vendredi 6 juin 2025

Le cycle de "Sandokan"

Le cycle de Sandokan

Autrefois, la télévision était bien différente. Il devait y avoir deux ou trois chaînes de télévision et tout le monde ne possédait pas encore un écran couleur. Les séries s’appelaient des feuilletons et les téléspectateurs devaient attendre chaque semaine la diffusion du prochain épisode. Cela nous paraît impensable aujourd’hui à l’époque de Netflix. Attendre 7 jours avant de connaître ce qui va arriver à nos personnages préférés, c’est juste impossible. Mais dans les années 1970, le public n’avait pas le choix. En 1976, une mini-série qui a été diffusée sur le petit écran a remporté tous les suffrages des spectateurs. Elle a suscité un bel engouement dans toute l’Europe. Il s’agit de « Sandokan », tirée des romans de l’écrivain Italien Emilio Salgari. Désormais, il est possible de regarder en replay les aventures du « Tigre de la Malaisie », surtout si on n’était pas là à l’époque. D’ailleurs, on peut la trouver ici :

https://www.raiplay.it/programmi/sandokan-laserie

Aujourd’hui, bien sûr, cela paraît désuet. Mais pas quand c’était sorti. Bien évidemment, la série prend quelques libertés avec le livre dont elle est tirée, « Les pirates de la Malaisie ». Pour le savoir, il faut avoir lu le texte et là, il y a des différences. Là, une question se pose : vaut-il mieux lire d’abord le roman ou bien doit-on voir d’abord l’adaptation ? La réponse est la suivante : quand on regarde la série, il est difficile d’imaginer autrement les personnages. Ainsi, pour beaucoup de monde, Sandokan a désormais le visage du beau Kabir Bedi. D’ailleurs, le comédien correspond bien à la description du personnage du livre : 35 ans, brun, de longs cheveux noirs, une barbe noire, un regard de braise, une allure princière. Mais déjà le héros de Salgari n’a pas bien l’air malais et ressemble à un Indien. Alors, un acteur Indien de mère anglaise doté d’expressifs yeux verts, 34 ans à l’époque, ça le fait. Par contre, lady Marianne, l’héroïne blonde du livre ressemble moins à la comédienne franco-américaine Carole André Smith qui a 24 ans (à l’époque). La lady Guillonk du roman a 16 ans, est italo-anglaise, a une allure un peu mièvre. L’actrice lui donne un profil plus âgé et c’est bien mieux. Yanes de Gomera, le dandy portugais de Salgari est un beau brun aux yeux bleus âgé de 35 ans environs… rien à voir avec l’acteur français Philippe Leroy-Baulieu presque quinquagénaire (à l’époque), au front dégarni et aux yeux bruns. Là, c’est l’erreur de casting qui fausse le personnage du roman. Il y a donc des différences dans l’adaptation télévisuelle, y compris dans la narration de l’histoire. Cependant, la série a le mérite de faire connaître (au moins de nom) le héros, Sandokan et lui donner un rayonnement international. Il contribue aussi à attirer l’attention sur l’auteur qui écrivait des romans feuilletons pour une revue au siècle dernier. C’est la raison pour laquelle les publications des livres ne sont pas dans l’ordre chronologique du récit. Les épisodes ont été écrits au fur et à mesure de l’intérêt de ses contemporains. Voici donc le cycle de « Sandokan » …


 

« Les Pirates de la Malaisie » (1896)

Le Maharate Kammamuri et une jeune fille nommée Ada Corishant sont sauvés du naufrage par Yanez de Gomera. Le jeune homme rescapé raconte son histoire. Le chef des thugs, Suyodhana, a fait arrêter son maître Tremal-Naik, le promis d’Ada qui est en état de choc après sa fuite. Il faut dire qu’elle avait été enlevée autrefois par les Thugs pour tenir le rôle de la « Vierge de la Pagode », sorte de prêtresse de la déesse Kali. Tremal-Nak, qui avait tiré sa bien-aimée des griffes de la secte, est incarcéré à Sarawak par un Anglais du nom de James Brooks qui a pris le pouvoir dans l’état malais. Sandokan, le tigre de la Malaisie, chef des pirates décide d’aller libérer le fiancé de la cousine de sa femme Marianne Guillonk décédée du choléra quelques années auparavant. Pour cela, il embarque sur son navire mais est trahi. Après de très nombreuses péripéties, il continue ses recherches. Yanez finit par trouver une solution : il se fait passer pour un riche anglais auprès du rajah blanc James Brooks, gagne sa confiance, demande à voir son prisonnier. Il drogue Tremal-Naik, le fait passer pour mort, le libère, Sandokan destitue Brooks et lui laisse la vie sauve. Tout est bien qui finit bien. Ada sort de sa torpeur, épouse son fiancé tandis que le Tigre de la Malaisie et ses hommes dits les « tigreaux » s’en vont vers de nouvelles aventures…

« Les Tigres de Monpracem (1900) »

Le redoutable pirate Sandokan, fils d’un prince destitué a juré de se venger des envahisseurs anglais. Or, il entend parler de la fameuse « Perle de (l’île de) Labuan » qui est la jeune Mariane Guillonk, nièce anglo-italienne de l’un de ses ennemis. Epris de la réputation de la lady, il veut la voit absolument. Il fait naufrage et est justement recueilli par la jeune fille. Tous les deux tombent amoureux. Envers et contre tous, ils finissent par partir pour aller vivre à Java. Bien sûr, entre temps, l’histoire connaît de nombreux rebondissements. Normal, pour un récit d’aventures ! Il faut savoir que les « Tigres de Monpracem » est le préquel des « Pirates de la Malaisie » qui paraît en premier.

« Les deux Tigres (1904) »

Tremal-Naïk a besoin d’aide. Une fois encore, Sandokan vient à sa rescousse. Il quitte son île de Monpracem avec ses hommes afin de gagner l’Inde en bateau. Son ami a épousé Ada Corishant mais celle-ci est morte à la naissance de leur fille, la petite Danah. Or, l’enfant est enlevée par les Thugs, membres d’une secte d’assassins qui honorent la déesse Kali. Ils destinent l’enfant à devenir une nouvelle « Vierge de la pagode », sorte de prêtresse dont le travail consiste à offrir des sacrifices à la divinité. Le valeureux Sandokan décide de porter secours à Danah. Il souhaite également affronter Suyodhana, le chef des Thugs dit le « Tigre de l’Inde ». Arrivé avec ses hommes chez son hôte et ami, Sandokan évite les attaques et les guet-apens tendus par les Thugs et de l’un de leurs mantis (un prêtre) particulièrement rusé. Pour savoir où se trouve Suyodhana, Sandokan suit la piste du serviteur de Kali. Il croise une jeune princesse dépossédée de son royaume et devenue une bayadère (une danseuse). Le belle Surama se joint à la quête et aide ses nouveaux amis. Accompagné de son fidèle ami Yanes, de Tremal-Naïk et d’une troupe d’hommes armés, Sandokan se lance à la poursuite de ce rival. Les aventures commencent : jungle hostile, chasse aux tigres, dangereux rhinocéros, thugs assassins armés de lassos étrangleurs, ouragans, séditions, rien n’est épargné à la petite troupe. Mais en résumé, tout est bien qui finit bien. Sandokan vainc son rival détesté, Tremal-Naik retrouve sa fille, et Yanes succombe au charme de Surama.

Mais les aventures du Tigre de la Malaisie ne s’arrêtent pas à ces trois ouvrages. Il y a encore huit épisodes que je n’ai pas encore fini de lire. Dans ces romans, Sandokan poursuit sa vengeance contre ceux qui ont tué sa famille et l’ont dépossédé de son trône (qu’il récupèrera à la fin, ce qui mettra un terme à sa clandestinité). Toutefois, au fil des tomes, il perd de son importance et passe au second plan par rapport à d’autres figure de fiction comme Yanes de Gomera (qui vole la vedette au héros). Des personnages supplémentaires s’ajoutent et le temps passe. A un certain moment, Sandokan et son « frère » Yanes deviennent quinquagénaires. Entre les vindictes, les trahisons, les attaques diverses, c’est palpitant comme doit l’être un roman d’action et d’aventures qui parle de pirates.

Emilio Salgari a écrit les aventures de Sandokan au fur et à mesure des commandes de la revue pour laquelle il travaillait. Les divers épisodes paraissaient et tenaient en haleine les lecteurs de l’époque. Le roman feuilleton datant de la fin du dix-neuvième et début du vingtième siècle ne correspond pas à nos critères actuels. Mais il faut savoir qu’à l’époque, les gens ne voyageaient pas autant, n’avaient pas Internet. L’Extrême-Orient n’a plus de secrets pour nous maintenant, ce qui n’était pas le cas avant. Les gens avaient besoin d’évasion et se contentaient de décors de pacotille qui faisaient leur effet. Le feuilleton est rempli de clichés, d’images touristiques idéalisées. Conformément au temps, les femmes n’ont pas la part belle. Parfois, elles font figure de potiches, de prétextes à l’aventure. Ce sont les belles dames à délivres, les objets de désirs des héros, véritables chevaliers servants prêts à braver tous les dangers pour elles dans un magnifique orient de fiction dont Emilio Salgari semble amoureux. Tout cela a fait rêver l’auteur et les lecteurs, ses contemporains. Même si c’est un peu désuet, on peut encore s’intéresser à Sandokan et à ses amis.

Pour ma part, j’ai apprécié les aventures du Tigre de la Malaisie que je conseille pour leur charme du siècle dernier. Elles sont le témoignage d’un goût d’une époque passée.


 

 

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