« La Psy » de Freida Mc Fadden tourne autour de l’histoire d’une célèbre psychiatre, Adrienne Hale disparue depuis trois ans. Le mystère plane. Comme à son habitude, l’auteure alterne les faits du passé et du présent, les points de vue des différents personnages, impliqués ou non par les événements. Le livre s’ouvre sur les premières paroles de la brillante jeune femme. Elles poussent à la méditation : tout le monde ment, exemple à l’appui. Voici un extrait de la première page du livre :
"Tout le monde ment.
Il y a des années, une expérience psychologique a été conçue pour estimer la prévalence des comportements mensongers. Elle mettait en scène un distributeur automatique en panne. Les sujets étaient informés que le distributeur automatique dysfonctionnait. S’ils inséraient un dollar, le distributeur défectueux leur distribuerait des bonbons, mais leur rendrait ensuite leur dollar. En utilisant le distributeur, les sujets constataient que c’était tout à fait vrai. Ils recevaient deux, trois voire quatre sachets de bonbons gratuits et récupéraient ensuite leur argent. Il y avait un panneau sur le distributeur. Qui indiquait : « Pour signaler tout dysfonctionnement de ce distributeur, veuillez appeler ce numéro. »
Détail que les sujets ignoraient, le numéro indiqué était celui de l’un des chercheurs de l’étude. Devinez combien de personnes ont appelé ce numéro pour signaler la panne de la machine.
Zéro. Absolument. Pas un seul parmi les dizaines de sujets n’a eu l’honnêteté d’appeler le numéro et de signaler la panne du distributeur. Chacun a pris ses bonbons gratuits et s’en est allé.
Comme je l’ai dit, tout le monde ment."
Le lecteur est donc averti et fait la connaissance de la fameuse "psy" du titre en français. Ensuite, vient l’histoire… Elle commence un peu comme un conte de fées, celui de « Cendrillon ». Rédactrice Web au chômage, la sensible et complexée Tricia a épousé un chef d’entreprise très aisé et généreux. Ethan est l'homme parfait : gentil, amoureux, serviable, mystérieux. En plus, il est beau… enfin presque, puisqu’il n’est pas grand et a un nez « romain », ce qui l’empêche d’être irrésistible selon sa propre épouse. Bien… Si je peux me permettre une petite parenthèse, je ne sais pas ce qu’ont les auteurs américains contre les statues de la Rome Antique. Sérieusement, dès qu’ils veulent décrire un nez avec une petite bosse ou un nez busqué, un nez aquilin, un nez crochu, ils le désignent systématiquement en tant que « nez romain ». Il faudrait arrêter un peu le délire. Ce nez n’est pas laid, tout de même. Bref, les Américains qui traitent tout le monde de racistes pour tout et n’importe quoi ne se gênent pas du tout pour utiliser de manière impropre une désignation et la faire passer pour un signe de laideur. Bonjour la bienveillance ! Après le petit coup d'humeur, revenons à notre belle blonde du nom de Tricia...Après quatre mois de fiançailles à la suite d’une rencontre due au hasard (qui fait bien les choses), un sympathique mariage a eu lieu. Désormais, un nid plus douillet devient nécessaire. Les deux tourtereaux s’en vont donc à la recherche d’un bien immobilier à acheter. C’est le début du week-end, Ethan et Tricia s’en vont visiter une maison située dans un endroit isolé. Or, une tempête de neige et un blizzard surviennent alors qu’ils sont presque arrivés à destination. Gelés, coincés par la météo peu clémente, les amoureux n’ont pas d’autre choix que d’entrer à l’intérieur de la superbe bâtisse. Comme dans les films américains, la clé est cachée dans un coin près du paillasson. C’est classique et bien pratique. Ethan ose pénétrer dans les lieux qui déplaisent à Tricia qui est la narratrice des faits du présent. Le cadre est vite posé. Le lecteur partage les angoisses de l’héroïne qui déteste immédiatement cette maison qui lui fait peur… et qui se trouve être celle de la psychiatre Adrienne Hale, présumée morte, prétendument assassinée par Luke son petit-ami (plus tard disculpé mais toujours soupçonné). Le monde est vraiment petit. De toute évidence, la pauvre Tricia a très peur et ne rêve que d’une chose : partir au plus vite. Mais il n’y a ni réseau téléphonique pour appeler à l’aide, ni possibilité de partir car la neige bloque les routes et même l’agent immobilier ne peut venir au rendez-vous. Plutôt à son aise dans les lieux, Ethan adore la maison. A l'inverse, Tricia la déteste. De plus, un portrait gigantesque de la morte trône dans le salon. Rien de tel pour effrayer la fragile Tricia qui passe de « Cendrillon » à « Boucle d’Or et les trois ours ». Elle finit par s’installer, se réchauffer, manger les maigres provisions du réfrigérateur, se doucher, dormir dans le lit d’Adrienne et finalement porter son magnifique pull en cachemire blanc. Ethan est décidé : il veut acheter la maison ! Tricia est enceinte et n’envisage pas d’élever son enfant là-dedans, d’autant plus qu’elle panique à cause de bruits que seule elle semble entendre en permanence. Elle croit qu’il y a quelqu’un dans les étages, ce qui fait rire Ethan. Entre deux épisodes de la vie au présent du couple, l’auteur aborde le passé. Adrienne parle et se raconte. C’est l’occasion de connaître les états d'âmes et la vie de la disparue. Psychiatre de renom, riche, belle, célibataire, et très indépendante elle écrit des livres, passe à la télévision. Elle reçoit de riches patients et chaque semaine se rend dans un centre social pour aider les plus pauvres. Là, elle rencontre Luke, un informaticien avec lequel elle a une liaison un peu particulière. Adrienne ne veut pas se lier ou s’engager… Que cache-t-elle ? A--elle subi un traumatisme pour ne pas vouloir partager son existence avec quelqu'un ? Pourquoi a-t-elle si peur d'aimer ? La psy doit avoir des problèmes, ce qui la rend à la fois hautaine, distante et peu sympathique.
Loin de ces préoccupations du passé, Tricia doit se résigner à passer tout le week-end dans la maison qu’elle visite. Elle trouve dans le bureau de la psychiatre une porte secrète. Et là, on arrive au conte de « Barbe-Bleue » … Dans une petite pièce, elle découvre des cassettes audios où Adrienne enregistre ses consultations. Tricia pioche au hasard quelques cassettes marquées d'initiales anonymes. Elle ne résiste pas à la tentation même si elle sait que son mari la désapprouverait. Elle se met à écouter les dialogues entre la psychiatre et quelques-uns de ses patients. Adrienne a aidé « PL » une jeune femme traumatisée qui a survécu à un tueur qui a massacré son fiancé et ses deux amies lors d’un week-end en chalet. Là, rien de spécial. C'est juste une affaire banale. Mais un enregistrement frappe davantage Tricia. Adrienne reçoit un certain « EJ », une sorte de pervers narcissique qui la harcèle depuis des années. Dans cet enregistrement, Adrienne Hale ne donne pas de noms. Elle désigne les patients enregistrés par des initiales. Ces confessions sont addictives. Tricia les écoute en cachette de son mari. Et là, à force de passer en revue les divers épisodes, « EJ » finit par lui rappeler quelqu’un. Le lecteur finit par saisir où veut en venir l’auteure : faire porter les soupçons sur le très secret Ethan qui partage quelques points communs avec le pervers : petit, blond, ton de voix identique, orphelin et riche. Pour elle, Ethan et « EJ » ne font qu’un. C’est beaucoup trop facile. Tricia voit virer son beau roman à l’eau de rose en cauchemar. Elle craint Ethan. Pourtant, elle fait équipe avec lui quand ils entendent tous les deux un bruit étrange dans une pièce. Ils fouillent partout. Lorsqu’ils découvrent ensemble le cadavre supposé d’Adrienne, la tension augmente. De plus, il y a quelqu’un dans la maison. C’est Luke, devenu chômeur et sans domicile. A cause du scandale autour de la disparition d'Adrienne, il a tout perdu. Rejeté, il ne retrouve plus de travail. Alors, il s'est réfugié chez sa petite-amie car il a des clés. Mari et femme réussissent à l'attacher pour le neutraliser...
Pendant que Tricia panique, l’auteure passe à Adrienne, à son histoire d’amour naissante avec Luke et à ses problèmes. « EJ » est obsédée par sa « psy » qui ne veut plus le recevoir car elle ne l’aime pas. Un jour, Adrienne est en retard en allant au dispensaire. Un chauffard désobligeant lui vole sa place de parking alors qu’elle tentait de se garer. Enervée, elle se gare, puis revient crever le pneu du mal élevé. Sauf que « EJ » la filme avec son portable et la fait chanter. Une psy qui vend des best-sellers en train de vandaliser la voiture d'un particulier, c'est la honte assurée. Alors, Adrienne accepte de revoir le méchant harceleur par peur d’une diffusion de la vidéo sur les réseaux sociaux. Pour se libérer, elle échafaude des plans : demander à Luke de pirater le portable « EJ », ce qui implique de le droguer et de s’introduire chez lui pour effacer les preuves pendant qu'il est inconscient. Luke s’exécute. « EJ » a plus d’un tour dans son sac et fait chanter le couple. Cette fois-ci, il a encore une fois filmé et sur la vidéo on voit Luke entrer par effraction chez lui et fouiller partout… Adrienne envisage le meurtre et demande à son petit-ami de l'aider. Luke ne veut pas tuer "EJ". Il quitte alors celle qu'il aime, trop déçu. Résultat, peu de temps après, Adrienne disparaît, Luke est interrogé, emprisonné, libéré faute de preuves et surtout ruiné.
Pour Tricia, Ethan est vraiment le coupable car c'est lui, le machiavélique "EJ". Pour le lecteur qui n’est pas habitué aux thrillers, le mari a le parfait profil du pervers… Sauf que l’auteur veut surprendre le lectorat avec un retournement de situation incroyable à couper le souffle. Elle lui apprend qu’Adrienne veut se débarrasser absolument de « EJ » qui a détruit sa vie. Pour cela, la psy se sert de sa patiente « PL » (la traumatisée de service ayant échappé miraculeusement à un tueur jamais retrouvé). Comment convaincre l'ex patiente à travailler pour elle ? En la faisant chanter. Lors de ses consultations, Adrienne a découvert que « PJ » avait menti et tué elle-même son fiancé (qui la trompait avec sa meilleure amie), sa rivale, l’amie de celle-ci devenue un témoin gênant. « PL » a même tué sa propre grand-mère pour hériter de son assurance-vie. Adrienne demande donc à « PJ » de séduire, de droguer, d’enlever et de lui ramener le méchant « EJ » (rien que ça !). La meurtrière s’exécute. Elle apporte « EJ » comme un paquet à la « psy » et s’en va le plus loin possible. Adrienne décide de tuer l’homme ligoté en le jetant dans une cachette dans le sol. Enfermé, "EJ" meurt de manière affreuse. Adrienne se sent soulagée. Or, sa mauvaise action la rattrape : « PL » ou « Patricia Lawson » revient la voir et la tue car elle ne veut pas laisser de témoins. Adrienne n'a-t-elle pas trouvé que Patricia était une meurtrière ? Voilà pour le passé.
Pour le présent, c’est bien différent. Le cadavre de la maison est celui de « EJ ». Luke est un témoin à éliminer. Ethan mérite des explications. Pas de soucis, l’auteure les donne et ce n’est pas triste. La Patricia intelligente et meurtrière et la Tricia romantique, fragile, pleureuse ne sont qu’une seule et unique personne ! Après s’être amusée à brouiller les indices, Freida Mc Fadden veut nous faire croire que la jeune mariée craintive, naïve, un peu bête sur les bords, voire stupide est une menteuse manipulatrice très cruelle (elle a même tué dans sa jeunesse une fille de son lycée qui la harcelait et a fait accuser le petit-ami de cette dernière). Patricia est une psychopathe qui s'en prend même aux animaux (ce qui est franchement ridicule). C’est invraisemblable et on a le droit de se poser quelques questions. Que fait l’impitoyable Patricia chez Adrienne qu’elle a tué ? Et à quoi rimaient touts les craintes, les peurs de son récit alors qu’elle sait très bien se défendre et qu'elle représente un véritable danger ? A faire croire qu’Ethan était le meurtrier ? Pour pallier ces incohérences, l’auteure invente une solution qui tombe comme un cheveu sur la soupe. Patricia a su que la maison d’Adrienne était en vente et a demandé à son amie agent immobilier de lui organiser une visite. Or, elle arrive en avance pour être sur les lieux et chercher le cadavre de « EJ » (et pas celui d ‘Adrienne puisque c’est elle qui l’a enterrée). Son but est d’acheter la maison. Le moment des révélations collectives arrive. Patricia avoue tout à Ethan. Comment cela ? Elle, si mystérieuse et secrète fait preuve d'une diarrhée verbale extraordinaire avec son mari. Elle ne lui cache rien, y compris ses meurtres d’autrefois. Cela tombe bien, Ethan a lui aussi des cadavres dans le placard. Loin de s'étonner, il se rallie à sa femme. Tous deux tuent Luke, l’enterrent dans le jardin et installent "EJ" dans la fosse près de lui. Le week-end passé, Ethan et Tricia achètent honnêtement la maison car ils en ont les moyens. Chacun a hérité de l'argent grâce à un décès provoqué. Le roman se termine très bien pour le couple d’assassins. Le crime ne paye pas ? Non, bien au contraire, il semble bien rapporter. Dommage que l’auteure n’écrive pas à la fin la phrase que l'on attend « Et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants », ce qui est le cas, afin de pouvoir terminer à la manière d'un conte de fées traditionnel. Ethan fait du télétravail et Tricia élève Delilah leur fillette et attend un bébé. Le bonheur est là. Déjà soutenir les meurtriers et les excuser, c’est amoral. Enfin, pour pouvoir surprendre ses lecteurs, elle est prête à tout, y compris à l’invraisemblable, au manque de droiture, à la manipulation et à l’incohérence. Que dire de plus ? Le lecteur peu regardant passe un bon moment avec ce thriller qui est un mélange de conte, de roman à l'eau de rose, de récit psychologique. Celui qui est exigeant trouvera plutôt cela un peu trop convenu et n'appréciera pas spécialement les "deus ex-machina" artificiels.
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